Mais qui est donc Antoine de Saint-Eupéry ?

Mais qui est donc Antoine de Saint-Eupéry ?

C’est sur cette épineuse question que s’est ouvert, mercredi 20 octobre 2010, le 3e café littéraire Chez Saint-Ex au lycée franco-chilien qui porte le nom de cet homme aux multiples facettes. Trois heures durant, devant une centaine de personnes, quatre passionnés aux horizons distincts (Franck Gouet, Delphine Lacroix, Patrick Laureau, et Francois d’Agay)ont tranché : Saint-Ex est un tisseur de liens.

 
Par Florent Emy professeur de philosophie au lycée et co-organisateur des cafés littéraires.
 
Le débat fut ouvert par une voix lointaine mais précieuse. François d’Agay, filleul et neveu de Saint-Exupéry, s’adressait par vidéo à Santiago du Chili. Evoquant une vie d’aventurier, il rappelait que son oncle avait aussi dirigé la ligne aérienne entre Buenos Aires et Santiago en 1929, quand les avions n’étaient encore que des « cerfs-volants à moteur ».
 
L’expression de Patrick Laureau, historien spécialiste de l’aviation, avait pour but de souligner qu’au-delà des liens spatiaux s’ouvrait aussi une épopée. Celle de l’Aéropostale et de ses risques vertigineux. Un temps mythique ou naissaient des rencontres et mouraient des camarades. Un temps où les amitiés ne se comptaient pas sur des sites internet mais se construisaient au gré de l’aventure et de ses soubresauts funestes.
 
Cristián Warnken pouvait alors faire le lien avec ces mineurs qui, au même moment, finissaient de s’arracher de leur désert souterrain. Eux que son édito du Mercurio célébrerait, le lendemain matin, en héros exupériens. Eux auxquels on doit d’abord, c’est la leçon de l’œuvre, recueillement et silence.
 
Des mots que le père Laurent Pavec allait faire vibrer en évoquant son engagement quotidien dans les bidonvilles d’Amérique du sud. Car, nous rappelait-il, pour Saint Exupéry ce lien qui nous relie le plus profondément aux autres ne se trouve  qu’en nous-mêmes. Lorsqu’au-delà de l’odieuse banalité du confort quotidien et de « la machine à emboutir », c’est toute l’humanité qui résonne.
 
Lire et lier
Mais alors quoi, sinon la littérature, pour combler cette soif de l’autre qu’aucun avion survolant les nuages ne pourrait étancher. L’écriture, pour répondre à ce désert qu’est l’existence quand elle est devenue trop vide. C’est au  prix de ce travail  que les mots nous relient alors, au plus profond de nous-mêmes, aux autres qui nous liront mais aussi à cette civilisation qui nous porte, et qui n’a pas de prix. Lire et lier, deux mots qui n’en font qu’un, comme le rappelait Delphine Lacroix venue de Paris représenter la Succession Antoine de Saint-Exupéry pour une semaine dédiée, par le lycée, à l’auteur.

 

Les questions du public, stimulées par le cocktail aéronautique du restaurant l’Open de Pierre Le Goff, explorèrent alors cette quête humaniste d’un homme criblé de désertiques solitudes. Oui, Saint-Ex fut bien un être torturé qui cherchait dans le ciel étoilé, au manche de son avion, cette étincelle d’humanité que nous portons tous en nous-mêmes et que seul l’art, littérature ou dessin, a le pouvoir de révéler aux hommes. Après tout n’est-ce pas cela le secret, qu’on ne voit bien qu’avec le cœur?
 
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