Il existe plusieurs états – manuscrits, dactylographiés ou imprimés – du texte du Petit Prince, témoignant des différentes étapes de son élaboration. Antoine de Saint-Exupéry, exilé aux États-Unis quelques mois après la débâcle française de mai-juin 1940, s’est beaucoup investi dans la composition de cet album singulier, qu’il a voulu à son image et d’universelle portée, et dont la première édition a paru le 6 avril 1943 à New York. Le manuscrit original et les dessins préparatoires que Saint-Exupéry avait confiés à son amie Silvia Hamilton sont aujourd’hui conservés par The Morgan Library & Museum, à Manhattan. Ils sont, pour la première fois, reproduits à l’identique et en intégralité.
Le manuscrit autographe du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, conservé par The Morgan Library & Museum à New York (Manhattan), a été acquis par cet établissement en 1968. Son ancien propriétaire était Mme Silvia Hamilton-Reinhardt, qui s’était liée à Saint-Exupéry lors de son séjour aux États-Unis pendant la guerre. L’écrivain lui avait offert ces précieux feuillets le jour de son départ pour l’Afrique du Nord au printemps 1943, quelques jours après la sortie des presses de l’édition originale du Petit Prince, parue simultanément en langues française et anglaise chez Reynal & Hitchcock.
Ce manuscrit est constitué de 141 feuillets de texte (280 × 215 mm.), écrits à l’encre et au crayon sur « onionskin paper » (pelure d’oignon), papier souvent utilisé par Saint-Exupéry. Il est complété d’un ensemble de 35 feuillets de dessins préparatoires de l’auteur, également offerts à Silvia Hamilton. L’ensemble apporte de précieux enseignements sur la construction d’ensemble du Petit Prince.
La lecture du manuscrit montre par exemple que les célèbres formules où se concentre l’essentiel de l’esprit et de la poésie du Petit Prince n’ont pas toutes été de premier jet. Ainsi le « S’il vous plaît, dessine-moi un mouton » n’a d’abord été que « Dessine-moi un mouton », la marque de politesse venant s’ajouter ultérieurement dans l’interligne [f. 3]. De même, « J’ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement » vint après « Mais seulement j’étais bien seul ». Enfin, le secret du renard (« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ») succéda à « Ce qui est le plus important c’est ce qui ne se voit pas » [f. 79] : une formule bien trop banale pour ce qui est probablement la grande révélation du récit.
Publié pour la première fois en octobre 2013, le fac-similé de cet exceptionnel manuscrit est accompagné des illustrations qui y étaient jointes et, en fin de volume, de la transcription intégrale. Le manuscrit original sera également présenté au public du 24 janvier au 27 avril 2014, dans le cadre d’une très belle exposition organisée par The Morgan Library & Museum de New York autour de l’histoire américaine du Petit Prince : l’institution new-yorkaise y présente vingt-cinq feuillets portant de multiples corrections, les quarante-trois dessins originaux des premières versions de l’ouvrage ainsi que des éditions rares, des lettres et des photographies témoignant de la vie new-yorkaise de l’auteur.
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Source : www.gallimard.fr
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