Arrivé en mai 1943 à Alger, Antoine de Saint-Exupéry intègre le groupe 2/33. Mais en août 1943, il est interdit de vol par les autorités militaires américaines. Hébergé par son ami le docteur Georges Pelissier, il travaille à son livre de réflexions, dont il a entamé l’écriture des premières pages en 1936. À ceux qui l’interrogent sur la date de parution de cette œuvre, il répond en riant : « je n’aurai jamais fini… C’est mon œuvre posthume ».
Sollicité pour intervenir en sa faveur auprès du commandement allié, le général de Gaulle refuse de le soutenir et même de rencontrer un officier qui conteste sa légitimité en tant que chef de la France libre. Lorsqu’il parle d’écrivains résistants, le général ne cite pas le nom de Saint-Exupéry. Angoissé par son inactivité, Saint-Exupéry a le sentiment que la victoire des alliés, désormais probable, prépare un monde qui ne le satisfait pas, « un monde capable de produire des pianos à la chaîne, mais incapable de susciter un pianiste ».
Antoine de Saint-Exupéry travaille à ce qu’il considère le livre de sa vie : Citadelle. Il en a élaboré la structure dés 1941 durant sa convalescence en Californie. Lorsque Nelly de Vogüé le rejoint à Alger en août 1943, il lui demande à de lire sur le champ les 500 pages qu’il a écrites pour lui donner son avis. Ils auront de nombreuses discussions à propos du livre et même sur le choix du meilleur traducteur anglais pour ce texte méditatif et poétique. En septembre 1943, Léon Wencelius arrive de New York avec une belle valise de cuir contenant les feuillets de Citadelle que Consuelo lui fait parvenir suite à sa demande.
Envoyé à Alger par la revue Life, John Phillips, jeune photographe de presse, cherche aussitôt Antoine de Saint-Exupéry dont la notoriété auprès du public américain est immense. Il lui consacre un reportage photographique et tombe sous le charme de l’écrivain. Il décide de l’aider à retrouver sa place dans l’aviation militaire. Il intervient auprès de John Reagan McCarry, l’officier qui a en charge la photographie de presse pour tout l’espace italien, et du général Ira Eaker, commandant des forces aériennes alliées en Méditerranée.
En mai 1944, Saint-Exupéry est de nouveau autorisé à voler par les américains. En juin 1944, il rejoint le groupe 2/33 à Alghero (Sardaigne) laissant sa valise à Georges Pélisssier. En juillet 1944, il suit le 2/33 transféré à Borgo (Corse). Le 31 juillet 1944, il décolle pour une mission de reconnaissance sur la région de Grenoble et Annecy, proche de la région de son enfance, dont il ne reviendra jamais.
En 1945, Georges Pélissier remet la valise à Nelly de Vogüé. Elle combine l’unité des pages dactylographiées et des brouillons incomplets couverts d’une écriture illisible et en 1948, les éditions Gallimard, publie pour la première fois Citadelle. Une édition abrégée, préfacée et établie par Michel Quesnel parait en 2000.