À travers le dessin, Antoine de Saint-Exupéry donne forme à son imaginaire. Il trouve dans ce mode d’expression, un moyen de traduire avec justesse, des sentiments, des impressions, des idées, des notions plus ou moins abstraites, peut-être mieux qu’il ne le fasse avec des mots. Ainsi, il enfante tout un bestiaire qui peuple les quittances et les pages de ses agendas. Toute une flore se met à pousser dans les marges de ses manuscrits et sur les cartes d’aviation.
Dans les lettres à ses amis écrites sur les routes de France, il représente par un petit rond « un chien hargneux », il matérialise la « proportion des heures consacrées aux divers occupations », il trace « le symbole de la vie parisienne » et réalise « un très joli tapis de représentant ».
Dans les années 1930, l’esprit perpétuellement en effervescence, il imagine des perfectionnements aux appareils aériens et trace des schémas, dessins techniques qui accompagneront ses brevets d’invention : études de torpilles, études sur la sustentation…
À la même époque, des plantes filiformes coiffées d’une fleur en étoile se mettent à garnir les pages blanches. Les pages se couvrent d’étoiles, de soleils et de planètes avec ou sans ellipse, et aussi des montagnes et des avions, des chats et des chiens, et des petits moutons…
En 1942, il décide d’illustrer lui-même l’histoire extraordinaire du Petit Prince venu d’une planète lointaine. Pendant des mois, il s’applique à cette tâche et dessine sur des feuilles de papier qu’il chiffonne et jette à terre quand il n’est pas satisfait. Il réalise de nombreux dessins, dont seuls quelques uns seront sélectionnés pour l’édition imprimée du conte. C’est ainsi qu’il crée le serpent boa digérant un éléphant, des baobabs dont les racines enserrent une planète, la boîte où le mouton s’est endormi… C’est ainsi qu’il symbolise la vanité, l’égarement, l’absurdité…