Antoine de Saint-Exupéry rencontre Hélène (Nelly) de Vogüé en 1929 chez Louise de Vilmorin dont elle est une amie. Il a sur lui les épreuves de son livre Courrier Sud qu’il lui confie et lui demande de lui faire part de ses observations. Elle est flattée et impressionnée par l’attention que lui accorde l’écrivain. Elle le croise par la suite dans les salons qu’elle fréquente et où il fait des apparitions lorsqu’il est à Paris.
D’origine prussienne par sa mère, Hélène Jaunez est la fille d’un industriel qui possède dans l’Est de la France d’importantes usines de céramique dont elle s’occupera, devenant une des premières femmes chef d’entreprise en France. En 1927, elle épouse Jean de Vogüé, grand nom de l’aristocratie française.
Une liaison s’engage entre Nelly et Antoine. Nelly offre une stabilité à Antoine qui mène une vie décousue et aventureuse. Si Antoine a une attitude protectrice avec Consuelo, il se fait materner et rassurer par Nelly. Elle se sert de ses relations dans le monde des médias et de la politique pour le recommander. Elle couvre parfois ses dettes et on raconte qu’elle lui aurait acheté un Simoun. Ses connexions avec les hautes sphères de l’industrie s’avèrent efficaces pour le sortir de situations délicates.
Elle le retrouve à New York en 1938 où il se rétablit après son accident au Guatemala et l’amène tous les jours chez un ostéopathe. Ils célèbrent ensemble sa légion d’honneur et les trente-sept ans de Guillaumet en 1939. Elle lui rend visite plusieurs fois à Orconte où se trouve le groupe 2/33 auquel il appartient.
Le frère de Nelly tente de convaincre Saint-Exupéry de rejoindre de Gaulle à Londres, ce qu’il refuse, agacé par les attaques du général contre Pétain. Il s’emporte lorsque Nelly laisse échapper un mot élogieux à l’égard du général et lui reproche des propos caustiques concernant Consuelo. À son tour, elle lui en veut de nouer d’autres liaisons amoureuses.
Nelly de Vogüé rejoint Antoine de Saint-Exupéry à Alger en 1943. Elle arrive de Gibraltar dans un avion américain, surveillée par les services de renseignements alliés qui trouvent suspecte sa liberté de mouvement. Après son départ, il lui envoie plusieurs lettres pour lui dire qu’il regrette leurs disputes, qu’il a besoin d’elle et qu’il l’aime. Il lui écrit une dernière lettre le 30 juillet 1944 avant sa disparition.
Sous le pseudonyme Pierre Chevrier, Nelly de Vogüé publie en 1949 un ouvrage consacré à Antoine de Saint-Exupéry. Elle s’occupe de l’édition posthume de ses manuscrits : Citadelle, Écrits de guerre, Carnets. Elle dépose de nombreux documents le concernant à la Bibliothèque Nationale, qui ne pourront être consultés que 50 ans après sa mort survenue en 2003.